On ne présente plus David Cage et son studio Quantic Dreams, les papas des excellents Heavy Rain et Beyond Two Souls. Des jeux à l’aspect narratif prépondérant dont les histoires haletantes ont propulsés les titres sur le devant de la scène. Le dernier-né annoncé en exclusivité sur PlayStation 4 a fait des émules dès les premiers trailers. Mais découvrons sans attendre de quoi il en retourne dans notre test.
Intitulé Detroit Become Human, le dernier jeu de notre ami David vous plonge dans la peau d’Androïdes dans un futur proche. Un futur qui comprend 10 milliards d’habitants et où les russes sont les super-vilains et dans lequel certains humains éprouvent du racisme 2.0 envers les androïdes qui prennent les jobs des humains (parallélisme avec la crise des migrants et la montée des partis nationalistes en Europe), mais aussi dans les disciplines sportives dans lequel ceux-ci triomphent et ne laissent plus de chance aux athlètes humains (ici aussi un parallélisme, mais avec les sportifs transgenres qui dominent systématiquement dans les disciplines sportives qui les acceptent en compétition). Le jeu se tourne en ridicule à force de mettre en avant des problèmes de sociétés actuels, présentés et répétés de manière grotesque et surtout empreints d’un sophisme tellement décomplexé que les sujets ont vraiment de la peine à convaincre. David Cage nous avait proposé des scénarios en béton avec des relations réalistes, intimistes et profondes entre les personnages dans ses précède jeux. Dans Detroit Become Human, Cage ne renvoie plus ce que les protagonistes ressentent en fonction de ces interactions, mais plutôt en réagissant de manière stéréotypées aux idéologies de supermarché qui pullulent dans le jeu et ses environnements. Cage ne joue plus avec les émotions de ses protagonistes, il puise dans les émotions du joueur influencé par les médias pour essayer d’accrocher celui-ci à l’intrigue… sans y arriver ou alors plutôt tard dans cette aventure qui a mal à décoller. SJWs vous serez ravis, ici les méchants sont des hétéros blancs et les personnages influents sont de couleurs et souvent des femmes. Original ? Non. Pour finir, le jeu est truffé de Deus Ex Machina ridicules, comme par exemple le fait que certains androïdes n’aient pas la possibilité de téléphoner aux urgences, une fonction plutôt basique dans un futur proche, nous sommes d’accord, mais que voulez-vous, c’est sûrement dû au fait que ça soit un modèle différent…
En termes de gameplay, Detroit Become Human reste dans la même lignée que les précédents jeux signés Quantic Dreams, peut-être moins inspiré toutefois. Ici pas d’esprit à contrôler comme Beyond Two Souls, mais plutôt des phases d’analyse des événements d’un lieu de crime. Calqué à 100 % sur la série de jeux Batman, cette analyse permet de recoller les pièces du puzzle et de découvrir ce qui s’est passé en fonction des preuves récoltées. Rien d’original me direz-vous, et c’est vrai. Bien sûr, les phases d’action comme les courses-poursuites sont jonchées de QTE, plus ou moins difficiles à réaliser en fonction d’un des deux modes de difficulté choisi. Ne vous attendez pas à de l’action ou de l’analyse de preuves sous toutes le coutures comme dans L.A. Noire, ici vous passerez clairement la majorité du temps à ouvrir des robinets ou ranger des chambres par exemple. En termes de gameplay à proprement parler, les différents androïdes que l’on incarne sont assez difficiles à manipuler, c’est parfois même difficile de traverser correctement une porte tant la maniabilité est imprécise et peu fluide. À vrai dire, pour les nostalgiques (et/ou masochistes), la maniabilité s’approche plutôt du tout premier Alone in the Dark (pour rester dans la sphère des jeux français, Cocorico et tout ça). Certes, on peut appréhender une affaire sous plusieurs angles et influer sur le dénouement en fonction des actions, indices récoltés et questions posées, c’est le concept central du jeu. Petit couac, ce concept est ironiquement le plus développé dans la toute première mission du jeu que les gens ont pu découvrir dans la démo gratuite. Seule une poignée de missions offriront un large éventail d’embranchement et dénouements possibles, ce n’est pas systématique d’une mission à l’autre malheureusement. Quoi qu’il en soit, le jeu propose au final un panel honnête de possibilités, sans pour autant atteindre totalement ses promesses. Il est possible de terminer une première fois le scénario de chaque personnage (sans refaire les chapitres) en une petite dizaine d’heures ; à vous de voir dans l’arborescence les actions et dialogues à débloquer pour augmenter votre taux de complétion du jeu (affiché sur l’arborescence en fin de chapitre). Comptez, environ, une trentaine d’heures pour débloquer l’ensemble (si vous êtes un petit malin qui capte vite les liens entre les actions et les paroles). Et grosso modo, malgré ses diverses fins possibles, le jeu qui se veut très ouvert sur les différents sujets abordés n’offre que deux axes principaux : le bien et le mal et essaie sans convaincre de faire jouer les émotions des joueurs autour de ceux-ci.
Graphiquement, le jeu se pare de textures assez sympathiques qui renforcent le côté cinématographique du titre. Les animations faciales arrivent à retranscrire les émotions avec succès, notamment les émotions des androïdes, un thème central dans le jeu qui pose la question de l’humanisme des intelligences artificielles et une théorie selon laquelle à long termes les androïdes pourraient développer une conscience collective, mais aussi individuelle. L’univers futuriste du jeu se traduit via un travail artistique qui ne puise pas dans un modernisme typique du SF poussé à l’extrême, mais plutôt une continuité de notre présent qui aide à l’immersion. On se retrouve plutôt dans un monde à la Demolition Man que Blade Runner en termes d’esthétisme. Les phases d’analyse sont clairement inspirées de Batman dans leur représentation, avec un filtre bleuâtre. Globalement, le jeu est plutôt varié dans ses environnements et la majorité de ceux-ci sont assez réussi, sauf peut-être quelques plans un peu moins jolis, il faut l’avouer. Quoi qu’il en soit, le jeu s’avère fluide, nous n’avons pas rencontré de ralentissements importants sur notre PlayStation 4. À n’en pas douter, le jeu doit s’avérer bien plus chatoyant sur PlayStation 4 Pro.
Que dire alors de l’ambiance sonore du jeu ? En règle générale, on peut dire sans se tromper que les bruitages sont superbement réussis et donne très clairement l’impression de se trouver sur les lieux, d’entendre la pluie tomber sur le bitume ou le vent dans les arbres (pour ne citer que ces exemples-là, parmi tant d’autres). L’environnement est donc très bien reproduit…mais on regrette néanmoins que les musiques « d’ambiance » ne soient pas à la hauteur de ces bruitages. Elles manquent de profondeur, sont « passe-partout » et ne provoquent que peu (voire pas) de réaction ou d’émotion lors du jeu (quand elles sont présentes), ce qui étonne au vu de la qualité de ces dernières dans les précédents jeux de QuanticDream… Et ne parlons pas du doublage français, qui laisse franchement à désirer : on « sent » clairement le mauvais jeu des doubleurs, peu de différence d’inflexion de voix pour les PNJ humains (les androïdes ne sont pas supposés en avoir, donc on n’insistera pas sur leur voix monocorde, normale a priori). Heureusement, il est possible de changer la langue du doublage et des sous-titres dans le menu, à tout moment du jeu… Nous avons testé en version anglaise sous-titrée français, et là, surprise, c’est beaucoup mieux ! La qualité du doublage est autre que celle de la VF, et c’est bien dommage pour un jeu comme celui-ci, où tout, absolument tout, est axé sur les choix des personnages et le « ressenti » du joueur dans une situation donnée. On devrait pouvoir avoir la même qualité dans sa langue (surtout lorsque c’est proposé dans les menus) sans être obligé de passer par l’anglais…sinon où est l’intérêt de doubler et traduire un jeu ? Sceptiques ? Repassez-vous la séquence où l’inspecteur Hank est saoul, fermez les yeux et vous verrez apparaître ce bon vieil Oncle Jimbo de South Park, incroyable n’est-ce pas ?