Bonjour et bienvenue sur GameActu pour le test complet de Mafia: The Old Country, la toute dernière incursion de Hangar 13 et 2K dans l’univers impitoyable du crime organisé. Attendu avec un mélange d’impatience et d’appréhension par les fans de la première heure, ce quatrième opus principal opère un virage à 180 degrés par rapport à l’orientation « open world » de son prédécesseur, pour revenir aux sources de ce qui a fait le sel de la saga : une narration dense, des personnages forts et une atmosphère cinématographique. Mais est-ce que la sauce prends toujours après la grosse déception de Mafia 3 ? Verdict dans notre test, les amis !

Scénario
Mafia: The Old Country nous plonge dans la peau d’Enzo Favara, un jeune homme dont le destin bascule de la misère des mines de soufre siciliennes à l’ombre menaçante de la famille criminelle Torrisi. Le récit, qui s’étale sur plusieurs années, est une pure tragédie mafieuse, une histoire d’ascension, de loyauté et de trahison qui, si elle emprunte des sentiers battus par les plus grandes œuvres du genre, le fait avec une maîtrise et une sincérité remarquables. L’écriture est sans conteste le point culminant du jeu. Les dialogues, ciselés et percutants, donnent vie à une galerie de personnages mémorables.
Enzo, notre protagoniste, est bien plus qu’un simple homme de main. C’est un homme tiraillé entre son désir d’une vie meilleure, son amour interdit pour Isabella, la fille du Don, et un code de l’honneur qui le pousse à commettre des actes d’une violence inouïe. Son évolution, de jeune « carusu » exploité à membre respecté de la famille, est dépeinte avec une finesse psychologique rare. On ressent son conflit intérieur, ses doutes, sa progressive désillusion face à la brutalité d’un monde qu’il a pourtant choisi. Autour de lui gravite une constellation de personnages complexes et nuancés. Le Don Torrisi, interprété avec une intensité glaçante, n’est pas un simple parrain caricatural. C’est un homme de pouvoir, à la fois protecteur et impitoyable, dont les motivations restent longtemps ambiguës. Sa relation avec Enzo, quasi paternelle par moments, est au cœur de la dynamique narrative. Les autres figures marquantes, comme le sage et pragmatique consigliere Luca, ou le bouillonnant et méfiant Tino, apportent une richesse et une tension permanentes au sein de la famille.
Le scénario prend le temps de poser son décor et ses enjeux. Les premières heures de jeu, qui nous font partager le labeur éreintant d’Enzo dans la propriété viticole des Torrisi, sont essentielles pour comprendre le contexte social et économique de cette Sicile du début de siècle. Cette approche lente, presque contemplative, permet au joueur de s’imprégner de l’atmosphère et de s’attacher aux personnages avant que la violence n’éclate. Et lorsque celle-ci se déchaîne, elle n’en est que plus brutale et significative. Le jeu n’édulcore rien de la cruauté de la « vendetta » et des guerres de territoire. Les thèmes abordés sont profonds et universels : la recherche d’identité, le poids de l’héritage, le conflit entre tradition et modernité, et l’impossible rédemption. Mafia: The Old Country est une histoire sombre, poignante, qui laisse une marque durable une fois le générique de fin déroulé. C’est un hommage vibrant aux films de gangsters classiques, mais qui parvient à trouver sa propre voix, notamment grâce à son cadre sicilien authentique et à la force de son propos. On retrouve vraiment l’essence des premières jeux Mafia et on plonge facilement dans l’histoire et surtout ses personnages qui ont une personnalité travaillée !

Gameplay
En choisissant de délaisser la structure en monde ouvert de Mafia III, Hangar 13 effectue un retour aux sources salutaire, se concentrant sur une expérience narrative et linéaire qui sert admirablement le propos du jeu. Le gameplay de Mafia: The Old Country se divise en trois piliers principaux : les combats, l’infiltration et la conduite, le tout dans un cadre qui, s’il n’est pas un bac à sable, offre des environnements vastes et détaillés qui agissent comme une toile de fond immersive plutôt que comme une liste de tâches à accomplir. Les affrontements armés sont nerveux et exigeants. L’arsenal, fidèle à l’époque, se compose de revolvers, de fusils à répétition et de « lupara » (fusils de chasse à canon scié) au punch dévastateur. Le système de couverture est classique mais efficace, et la rareté des munitions ainsi que le recul prononcé des armes obligent le joueur à adopter une approche tactique, loin du « run and gun » effréné. Chaque balle compte, et chaque fusillade peut rapidement devenir mortelle, renforçant le sentiment de danger permanent.
Une nouveauté majeure et particulièrement réussie est l’introduction des combats au couteau. Loin d’être un simple ajout gadget, ce système se révèle d’une profondeur surprenante. Le joueur peut parer, esquiver, porter des coups rapides ou des attaques plus puissantes, dans des duels chorégraphiés qui transpirent la tension. Trois types de lames (Scannaturi pour le lancer, Rasolu pour les exécutions rapides et Stiletto pour la durabilité) offrent des approches variées et ajoutent une dimension stratégique bienvenue. L’infiltration, quant à elle, est souvent encouragée, voire nécessaire. Enzo peut utiliser l’environnement pour se dissimuler, attirer les gardes en lançant des objets et effectuer des éliminations silencieuses. Bien que les mécaniques soient familières pour les habitués du genre, elles sont bien intégrées et offrent une alternative satisfaisante aux confrontations directes. La possibilité de cacher les corps et les multiples chemins disponibles dans certaines zones témoignent d’un level design soigné.
Enfin, la conduite et les déplacements sont un élément central de l’expérience sicilienne. Aux côtés des premières automobiles de l’époque, qui se conduisent avec une lourdeur et une inertie réalistes (démarrage à la manivelle, freinage peu efficace), le cheval fait une apparition remarquée. Galoper à travers les paysages vallonnés de la Sicile procure un sentiment de liberté grisant et s’intègre parfaitement à l’ambiance « western sicilien » du titre. Le jeu pousse le souci du détail jusqu’à proposer un mode de conduite « simulation » pour les puristes. Cette focalisation sur une expérience maîtrisée, sans le « gras » d’un monde ouvert rempli d’icônes, permet à Mafia: The Old Country de maintenir un rythme soutenu et de ne jamais diluer son impact narratif. Chaque mission semble avoir été conçue avec soin, contribuant à l’avancée de l’histoire et au développement des personnages. C’est un choix de game design audacieux à l’heure actuelle, mais qui s’avère payant et parfaitement en phase avec l’héritage de la série. Le jeu se clôture en une petite quinzaine d’heures si on s’attarde, mais c’est loin d’être une défaut : beaucoup de studios se sont perdus en proposant des jeux à la durée de vie hallucinante au détriment de la qualité. Mafia: The Old Country privilégie la qualité à la quantité pour la bagatelle de 50 euros.

Graphismes
Visuellement, Mafia: The Old Country est une véritable claque. Propulsé par l’Unreal Engine 5, le jeu de Hangar 13 dépeint une Sicile du début du XXe siècle d’une beauté sauvage et envoûtante. La direction artistique est le véritable tour de force du titre, parvenant à créer une atmosphère unique, à la fois solaire et crépusculaire. Le contraste est permanent entre la splendeur des paysages ruraux – les vignobles baignés de lumière dorée, les champs d’oliviers s’étendant à perte de vue, les villages pittoresques accrochés à flanc de colline et la mer d’un bleu profond – et la brutalité sordide des activités de la Mafia. Les intérieurs sont tout aussi soignés, qu’il s’agisse des riches demeures des Dons, avec leurs boiseries sombres et leurs tapisseries épaisses, ou des habitations modestes des paysans, pleines de détails qui racontent une histoire. Le souci d’authenticité est palpable à chaque instant. Les véhicules, les vêtements, l’architecture, tout a été recréé avec une précision historique impressionnante qui contribue grandement à l’immersion.
Techniquement, le jeu impressionne par la qualité de ses textures, la richesse de sa végétation et ses effets de lumière volumétrique qui subliment les levers et couchers de soleil sur la campagne sicilienne. Les modèles de personnages sont d’une expressivité remarquable, en particulier lors des cinématiques. Les animations faciales, capturées avec soin, permettent de retranscrire toute la palette d’émotions des protagonistes, renforçant l’impact des scènes dialoguées. On ressent la fatigue sur le visage d’Enzo, la fureur contenue dans le regard du Don Torrisi ou l’inquiétude d’Isabella. Si quelques rares chutes de framerate peuvent survenir lors des scènes les plus chargées en effets de particules, l’expérience globale reste fluide et stable sur les consoles de nouvelle génération (le test se base sur une version Xbox X en mode qualité) même si le jeu prends parfois du temps à charger les textures.
Le monde, bien que non « ouvert » au sens traditionnel, est d’une densité visuelle incroyable. Chaque recoin semble avoir été façonné à la main, offrant des panoramas à couper le souffle qui invitent à la contemplation entre deux missions. Hangar 13 a intelligemment utilisé ce décor somptueux non pas comme un simple terrain de jeu, mais comme un personnage à part entière, dont la beauté brute et immuable offre un contrepoint tragique à la violence et à la corruption des hommes. En définitive, Mafia: The Old Country est une réussite esthétique indéniable, une carte postale vivante et dangereuse qui nous transporte dans un lieu et une époque rarement explorés dans le jeu vidéo, avec un talent et une maestria qui forcent le respect.

Bande sonore
L’immersion dans la Sicile du début du siècle de Mafia: The Old Country doit énormément à son exceptionnel design sonore et à sa bande originale. L’environnement acoustique du jeu est d’une richesse et d’une authenticité rares, chaque son semblant avoir été choisi avec une précision d’orfèvre pour renforcer le réalisme et l’atmosphère. Le travail effectué sur les bruitages est tout simplement remarquable. Le son des armes à feu, enregistré à partir de modèles d’époque, est particulièrement percutant ; le claquement sec d’un revolver et la détonation assourdissante d’un lupara ne sont pas de simples effets sonores, ils racontent la violence brute et peu sophistiquée de l’époque. De même, les véhicules ont fait l’objet d’une attention toute particulière. Le vrombissement chaotique des premiers moteurs, les cliquetis de la mécanique et les échappements créent une cacophonie authentique qui nous ancre instantanément dans la période historique.
Au-delà de ces éléments, c’est l’ambiance sonore globale qui impressionne. Dans la campagne, le chant des cigales, le bruissement du vent dans les oliveraies et les aboiements lointains créent une toile de fond paisible, souvent rompue par la violence des événements. En ville, les conversations des passants, les appels des marchands et le son des cloches de l’église donnent vie aux ruelles pavées. Hangar 13 a même collaboré avec un studio sicilien pour capturer des ambiances sonores locales et enregistrer les voix, proposant d’ailleurs une option de doublage intégral en sicilien pour une immersion absolue, un choix vivement recommandé tant il apporte à l’authenticité de l’expérience. La bande originale, composée par Brian Transeau, est l’autre pilier de l’identité sonore du jeu. Elle s’éloigne des standards jazz et rock’n’roll des précédents opus pour proposer une partition orchestrale ample et émouvante, subtilement infusée d’instruments et de mélodies folkloriques siciliennes.
Les compositions savent se faire discrètes pour laisser parler l’ambiance, avant de monter en puissance lors des scènes d’action ou des moments dramatiques, soulignant parfaitement la tension et l’émotion. Des thèmes mélancoliques à la mandoline ou à la guitare acoustique accompagnent les moments d’introspection d’Enzo, tandis que des envolées de cordes majestueuses magnifient la beauté tragique des paysages. La musique n’est jamais envahissante, elle est toujours au service du récit et de l’atmosphère, agissant comme un véritable liant émotionnel. La bande-son de Mafia: The Old Country est une œuvre à part entière, un travail d’une finesse et d’une intelligence remarquables qui achève de faire de ce voyage en Sicile une expérience sensorielle inoubliable.

Conclusion
Au terme de ce voyage intense et mémorable au cœur des origines de la Cosa Nostra, le constat est sans appel : Mafia: The Old Country est une réussite éclatante et un retour en grâce magistral pour la franchise. En faisant le pari audacieux de revenir à une formule narrative et linéaire, Hangar 13 a non seulement renoué avec l’excellence des premiers opus, mais a également su livrer une œuvre d’une maturité et d’une profondeur saisissantes. Le jeu excelle là où on l’attendait le plus : son scénario. Porté par une écriture d’une grande finesse et une galerie de personnages inoubliables, le destin tragique d’Enzo Favara captive de la première à la dernière seconde. L’exploration des thèmes de la loyauté, de la famille, de la trahison et de la perte d’innocence est menée avec une justesse qui fait honneur aux plus grands classiques du film de gangsters. La décision de planter le décor dans une Sicile rurale et authentique se révèle être une idée de génie, offrant un cadre à la fois magnifique et oppressant, qui se démarque radicalement des productions actuelles.
Cette immersion est sublimée par une réalisation audiovisuelle de très haute volée. Que ce soit par la beauté de ses paysages façonnés sous Unreal Engine 5 ou par l’authenticité de sa bande-son envoûtante, le jeu est un plaisir constant pour les sens. Sur le plan du gameplay, le recentrage sur des mécaniques maîtrisées et au service de l’histoire s’avère payant. Les combats, viscéraux et tactiques, ainsi qu’un système de duel au couteau bien pensé, offrent des moments de tension redoutables. Si l’on peut regretter que les phases d’infiltration et de tir à couvert n’inventent rien, leur exécution est suffisamment solide pour ne jamais briser le rythme d’une aventure parfaitement cadencée.
En abandonnant les travers du monde ouvert à tout prix, Hangar 13 a pu se concentrer sur l’essentiel : raconter une histoire forte et offrir une expérience cinématographique de premier ordre. Mafia: The Old Country n’est peut-être pas le jeu le plus innovant de sa génération, mais il est sans doute l’un des plus sincères et des mieux écrits. C’est une œuvre qui a une âme, une personnalité forte, et qui traite son sujet et ses joueurs avec un immense respect. Pour les fans de la saga, c’est un cadeau inespéré. Pour les néophytes, c’est une porte d’entrée idéale et une démonstration éclatante que le jeu vidéo narratif en solitaire a encore de très beaux jours devant lui. Un titre indispensable, qui prouve que parfois, un retour aux sources est le meilleur moyen d’aller de l’avant. Tutto per la famiglia.
